martes, 6 de noviembre de 2018

LE PERSONNAGE DU MOIS : Guillaume Apollinaire


LE PERSONNAGE DU MOIS : Guillaume Apollinaire



Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, né à Rome le 25 août 1880 et mort à Paris le 9 novembre 1918, est un grand poète du début du  xxe  siècle qui participe aux révolutions littéraires et esthétiques de son époque. Défenseur de l'art moderne et conteur, il est l'inventeur du mot "surréalisme" et il ouvre une nouvelle voie poétique.

Fils d'une Polonaise et d'un père inconnu (un officier italien, selon l'hypothèse la plus probable), il est engagé en 1901 comme précepteur en Allemagne et tombe amoureux de la gouvernante, qui refuse ses avances. Ses premiers poèmes portent la trace de sa douleur d'homme éconduit. Il rentre à Paris en 1902 et publie dans "La Revue blanche" son premier conte, "L'Hérésiarque", en signant Guillaume Apollinaire. Il publie alors de nombreux contes et poèmes dans des revues et commence à se faire connaître.

Le poète entretient des liens d'amitié avec nombre d'artistes en les soutenant dans leur parcours artistique, tels les peintres Pablo PicassoGeorges BraqueHenri Matisse et Henri Rousseau. Il suit de très près l'évolution du mouvement cubiste et publie en 1913 "Peintres cubistes". Cette même année est publié son premier recueil, "Alcools", sélection de poèmes rédigés depuis ses débuts, tels ZoneLa Chanson du mal-aiméLe Pont Mirabeau, ayant fait l'objet de plusieurs adaptations en chanson au cours du siècle.
Il veut s'engager dans l'armée française dès 1914 (début de la Première Guerre mondiale), mais ne possède pas la nationalité et doit être naturalisé. Il est tout de même affecté en décembre 1914 dans l'artillerie et continue d'écrire. Transféré dans l'infanterie en 1915, il est naturalisé en début d'année 1916. Il est blessé quelques jours plus tard par un éclat d'obus et est trépané à Paris. Après des mois de convalescence, il se remet à écrire et crée le terme de "surréalisme" dans une lettre adressée en mars 1917 au poète belge Paul Dermée. La même année, Apollinaire sort une pièce de théâtre incorporant ce nouveau mot : "Les mamelles de Tirésias", drame surréaliste en deux actes et un prologue. Le terme connaîtra rapidement une grande popularité avant de devenir un courant artistique à part entière.
Quelques mois avant de mourir, il publie en 1918 son second grand recueil poétique, "Calligrammes". Calligramme est un terme de son invention, quoiqu'il ne soit pas l'inventeur du genre lui-même, désignant des poèmes écrits en forme de dessins et non de forme classique en vers et strophes.
Ce théoricien de l'esprit nouveau, chantre de nombreuses avant-gardes artistiques de son temps, notamment du cubisme et de l'orphisme, et précurseur du mouvement surréaliste meurt le 9 novembre 1918 de la grippe espagnole mais il est déclaré mort pour la France en raison de son engagement durant la guerre. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise à Paris.

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Saltimbanques 
 à Louis Dumur 


 Dans la plaine les baladins 
S'éloignent au long des jardins 
Devant l'huis des auberges grises 
Par les villages sans églises 
 Et les enfants s'en vont devant 
Les autres suivent en rêvant 
Chaque arbre fruitier se résigne 
Quand de très loin ils lui font signe 
 Ils ont des poids ronds ou carrés 
Des tambours des cerceaux dorés 
L'ours et le singe animaux sages 
Quêtent des sous sur leur passage 
Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)


La Chanson du mal-aimé

Guillaume Apollinaire

à Paul Léautaud
Et je chantais cette romance
En 1903 sans savoir
Que mon amour à la semblance
Du beau Phénix s’il meurt un soir
Le matin voit sa renaissance.
Un soir de demi-brume à Londres
Un voyou qui ressemblait à
Mon amour vint à ma rencontre
Et le regard qu’il me jeta
Me fit baisser les yeux de honte
Je suivis ce mauvais garçon
Qui sifflotait mains dans les poches
Nous semblions entre les maisons
Onde ouverte de la Mer Rouge
Lui les Hébreux moi Pharaon
Que tombent ces vagues de briques
Si tu ne fus pas bien aimée
Je suis le souverain d’Égypte
Sa soeur-épouse son armée
Si tu n’es pas l’amour unique
Au tournant d’une rue brûlant
De tous les feux de ses façades
Plaies du brouillard sanguinolent
Où se lamentaient les façades
Une femme lui ressemblant
C’était son regard d’inhumaine
La cicatrice à son cou nu
Sortit saoule d’une taverne
Au moment où je reconnus
La fausseté de l’amour même
Lorsqu’il fut de retour enfin
Dans sa patrie le sage Ulysse
Son vieux chien de lui se souvint
Près d’un tapis de haute lisse
Sa femme attendait qu’il revînt
L’époux royal de Sacontale
Las de vaincre se réjouit
Quand il la retrouva plus pâle
D’attente et d’amour yeux pâlis
Caressant sa gazelle mâle
J’ai pensé à ces rois heureux
Lorsque le faux amour et celle
Dont je suis encore amoureux
Heurtant leurs ombres infidèles
Me rendirent si malheureux
Regrets sur quoi l’enfer se fonde
Qu’un ciel d’oubli s’ouvre à mes voeux
Pour son baiser les rois du monde
Seraient morts les pauvres fameux
Pour elle eussent vendu leur ombre
J’ai hiverné dans mon passé
Revienne le soleil de Pâques
Pour chauffer un coeur plus glacé
Que les quarante de Sébaste
Moins que ma vie martyrisés
Mon beau navire ô ma mémoire
Avons-nous assez navigué
Dans une onde mauvaise à boire
Avons-nous assez divagué
De la belle aube au triste soir
Adieu faux amour confondu
Avec la femme qui s’éloigne
Avec celle que j’ai perdue
L’année dernière en Allemagne
Et que je ne reverrai plus
Voie lactée ô soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d’ahan
Ton cours vers d’autres nébuleuses
Je me souviens d’une autre année
C’était l’aube d’un jour d’avril
J’ai chanté ma joie bien-aimée
Chanté l’amour à voix virile
Au moment d’amour de l’année
Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913